Le Monde.fr | 02.03.2016 | Par Philippe Ridet (Rome, correspondant)
Sans doute fallait-il y voir un signe. La nomination, en janvier, de Mario Calabresi, ancien directeur du quotidien La Stampa, publié par la société Itedi détenue à 77 % par le groupe Fiat-Chrysler Automobiles (FCA), à la tête de La Republicca, appartenant au groupe L’Espresso, propriété de la famille De Benedetti, préludait à de grandes manœuvres. Mercredi 2 mars, les deux sociétés ont annoncé leur fusion afin de donner naissance à « l’un des principaux groupes européens du secteur de l’information quotidienne et digitale ». Le nouveau groupe, qui pèse 20 % du marché, contrôlera également le quotidien de Ligurie Il secolo XIX et l’hebdomadaire L’Espresso.
Le gros qui mange le petit ? Du moins en apparence. Malgré ses quarante ans, La Repubblica est déjà le troisième quotidien d’Italie et vante 2,2 millions de lecteurs quotidiens et 1,6 million de visiteurs uniques par jour pour son site. La Stampa, elle, est vieille de plus d’un siècle mais elle n’est plus qu’à la cinquième place des journaux d’informations générales avec un tirage de 250 000 numéros par jour. Le groupe L’Espresso a enregistré en 2015 un bénéfice net de 17 millions d’euros, deux fois plus qu’en 2014. Toutefois, le chiffre d’affaires est en recul de 6 %, à 605,1 millions d’euros. Les analystes, qui tablaient sur un bénéfice net de 30,7 millions d’euros et des ventes de 611,3 millions, sont déçus.
Syndiquer des contenus
La situation de la presse en Italie n’est pas florissante malgré les apparences (journaux grand format, forte pagination, kiosques à tous les coins de rue). S’il a réduit sa dette, la faisant passer de 34,2 millions d’euros fin 2014 à 10,7 millions fin 2014, et son personnel (64,9 % d’employés), le groupe L’Espresso souffre de la baisse des ventes (- 8,7 % en 2015 après un recul de 11,4 % en 2014) et d’un marché publicitaire atone.
Consolation : la rumeur de sa fusion avec Itedi a fait grimper son action de près de 14 % à la bourse de Milan. Baptisé « Stampubblica », ce mariage de raison a pour premier objectif non pas de supprimer des titres mais de syndiquer des contenus.
Le désengagement de la famille Agnelli
Mais derrière cet accord, c’est le désengagement de la famille Agnelli, principal actionnaire de FCA, qui est le plus commenté. La Stampa était considérée comme le porte-parole officieux du groupe, consacrant de généreuses doubles pages aux vicissitudes de la Fiat (puis de FCA), aux victoires de Ferrari en Formule 1 et à celles de la Juventus de Turin dans le championnat d’Italie de football.
En abandonnant sa vitrine, FCA, société cotée aux États-Unis ayant son siège aux Pays-Bas et payant ses impôts en Angleterre, coupe un des derniers liens qui l’attachait à l’Italie et au Piémont. Les Agnelli conservent encore une participation de 20 % au capital de RCS, éditeur du Corriere della Sera, mais selon le quotidien Il Fatto quotidiano, ils seraient prêts à passer la main.
Cette fusion parachève la stratégie du financier italo-canadien Sergio Marchione à la tête de l’entreprise. FCA a engagé un double mouvement de concentration sur la branche automobile et d’investissements financiers dans des secteurs à forte rentabilité, comme l’a montré le rachat de la société américaine d’assurances Partner Re. Une page est tournée.